Dostoïevski, quarante-cinq ans plus tard…

… je referme pour la deuxième fois de ma vie Crime et châtiment de Dostoïevski. Aux amateurs de romans psychologiques qui ne l’auraient pas lu, il vous manque peut-être la plus aboutie des œuvres du genre. Je ne le prétends pas avec la condescendance d’un professeur de littérature s’exprimant « du haut de sa hauteur », ni avec la prétention d’avoir tout lu, mais en tant qu’ami, avec la conviction sincère du bonheur que vous trouverez à sa lecture.

Rodion Romanovitch Raskolnikov, ancien étudiant sans le sou, se décide à tuer « une vieille usurière, veuve d’un conseiller titulaire. Cette vieille est stupide, sourde, avare et prend des taux usuraires disproportionnés. Elle est méchante et issue d’un autre temps, exploite sa sœur cadette comme domestique. Elle est totalement inutile », selon les dires de Dostoïevski lui-même dans une lettre adressée à un ami. « Dans quel but vit-elle ? », « Est-elle utile à quelqu’un ? », telles sont les questions que se pose l’écrivain. Raskolnikov, lui, il tue, car, pense-t-il, il est de ces gens au-dessus des autres, au-dessus de la matière première de l’humanité, de la grande majorité de la population. Ces personnes supérieures, non seulement elles se permettent de tuer, mais en ont visiblement le droit puisqu’on leur érige des statues. Il en veut pour preuve Napoléon Bonaparte. Seulement voilà, ces gens-là, eux, ne regrettent rien, pas l’ombre d’un remords. Raskolnikov, lui, il en devient petit à petit fou. Il n’était pas habilité, lui. Il finira par tout avouer.

Les quelque plus de neuf cents pages du roman se dégustent phrase après phrase, sans la moindre longueur. Chaque mot est à sa place, tant dans les dialogues ciselés avec art, que dans les descriptions, dont les couleurs, les odeurs et les sons nous emmènent comme dans une salle de cinéma. Un petit exemple ?

« Dehors, il faisait une chaleur pesante, terrifiante, avec, en plus, le manque d’air, la cohue, partout la chaux, les échafaudages, les briques, la poussière, cette puanteur particulière de l’été que connaissent si bien tous les Pétersbourgeois qui n’ont pas la possibilité de louer une datcha — tout cela en même temps frappa désagréablement les nerfs affaiblis du jeune homme. Quant à la puanteur insupportable des tavernes, dont cette partie de la ville contient une multitude, et aux ivrognes qu’il rencontrait partout, même si c’était une heure travail, ils mirent une dernière touche au coloris détestable et triste du tableau. Une sensation de dégoût insondable fusa une seconde dans les traits délicats du jeune homme. À propos, il était d’une beauté remarquable, avec des yeux sombres splendides, les cheveux châtain-blond, une taille plus élevée que la moyenne, mince et droit. »

Bonne lecture.

Publié par efix1955

Allez savoir pourquoi j’avais opté pour la filière latin dès l’âge de 12 ans? Ce n’était certainement pas pour aboutir, quelque douze ans plus tard, à l’obtention du titre de ingénieur agronome de l’Ecole polytechnique de Zürich, pire encore, en 1984, au grade de Dr ès Sciences techniques de la même école. Et pourtant. Soyons honnête, ce choix d’ado pré-pubère me venait de l’amour de la langue, la langue française, évidemment. Aujourd’hui, en fin de carrière professionnelle - j’ai viré ma cuti dans les années quatre-vingt dix pour reprendre des études en communication et relations publiques et m’y consacrer jusqu’à ce jour - me voilà au seuil d’un rêve de toujours: ÉCRIRE. Depuis un certain temps déjà, j’ai mis le pied dans la porte. J’ai un aveu à vous faire: J’ai la plume qui me démange. Alors bienvenue dans le monde de mes démangeaisons.

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